V19 – REJETER LA GREFFE : FILIATIONS COURT-CIRCUITEES ET BIOGRAPHIQUE REINVENTE DANS THE AUTOBIOGRAPHY OF MY MOTHER

Natacha d’Orlando
Université Paris 8 Vincennes Saint Denis
Contact: Natacha d’Orlando, Université Paris 8 Vincennes Saint Denis
natachadorlando@gmail.com

To cite this article:

[Natacha d’Orlando. “Rejeter la greffe : Filiations court-circuitées et biographique réinventé dans The Autobiography of My Mother.Wagadu: A Journal of Transnational Women’s and Gender Studies, Summer 2018, vol. 19, pp. 91-105]


Abstract

Le rejet de la maternité par l’avortement permet à Xuela de refuser la « greffe » d’un corps étranger dans le sien afin de déranger l’ordre colonial.  Sabotant la lignée masculine Xuela refuse d’être une terre fécondable pour autrui.  Par ailleurs, Kincaid efface le récit de sa naissance et fait naître sa mère comme personnage.

Publié en 1996, The Autobiography of My Mother prolonge les thématiques abordées dans Lucy et Annie John, tout en faisant un double pas de côté concernant le motif de la maternité. Si la mère reste un spectre obsédant pour Xuela, la narratrice et protagoniste principale de l’œuvre, ce n’est plus en tant que présence étouffante mais comme une absence, dont la mort laisse un vide abyssal et impossible à combler (Brancato, 2005). Par ailleurs, la maternité n’y est pas uniquement envisagée par l’enfant racontant son rapport à la mère, elle est aussi remise en question par la jeune femme qui risque de devenir mère à son tour. Dans les deux cas, l’expérience maternelle se construit sur la négation, l’héroïne orpheline mettant un terme à chacune de ses grossesses, celle qui n’a derrière elle qu’un vide insondable (« at my back was always a bleak, black wind », Kincaid, 1996, p. 3) choisissant de prolonger cet abîme à travers les avortons qu’elle voue au précipice (« In their day of life, I would walk them to the edge of a precipice », p. 97). Xuela n’est pas la seule protagoniste à envisager ou à réaliser une interruption de grossesse, et l’avortement s’inscrit dans deux pôles thématiques centraux de l’œuvre de Kincaid : l’usage des plantes et le rapport à la maternité. Les breuvages emménagogues ou abortifs occupent un domaine féminin du savoir, un élément du « travail domestique » (Kincaid, 2000, p. 90) fondé sur un ensemble de pratiques transmises de mère en fille. Dans Lucy, la narratrice se rappelle ainsi les enseignements reçus pendant l’enfance :

Without telling me exactly how I might miss a menstrual cycle, my mother had shown me which herbs to pick and boil, and what time of day to drink the potion they produced, to bring on a reluctant period. She had presented the whole idea to me as a way to strengthen the womb, but underneath we both knew that a weak womb was not the cause of a missed period. (p. 69)

L’introduction de Lucy à la sexualité se fonde sur un jeu de dupe féminin entre une mère qui, sans nommer ni décrire la sexualité, apprend à sa fille à se défaire d’une grossesse indésirable, et une fille qui formule silencieusement les non-dits de sa génitrice (« She knew that I knew », p. 70). De la même manière, dans At the Bottom of the River, l’une des recommandations de la mère et narratrice de « Girl », soucieuse d’empêcher sa fille de devenir une « catin », concerne paradoxalement la manière de préparer un breuvage abortif : « this is how to make a good medicine to throw away a child before it even becomes a child » (1983, p. 5). La discussion fille / mère qui accompagne les premières règles et sanctionne le passage à l’âge adulte prend la forme d’une formation accélérée en plantes emménagogues et passe par la transmission matrilinéaire d’une connaissance et d’une pratique de santé non médicalisée. Contrairement à d’autres représentations littéraires de l’avortement, celle de Paule Marshall dans Daughters ou d’Alice Walker dans Meridian, où la scène abortive prend place dans un cadre hospitalier, professionnel et majoritairement masculin, l’acte repose toujours chez Kincaid sur les préceptes d’une pharmacopée afro-caribéenne féminine, ensemble des savoirs et pratiques d’héroïnes qui cultivent, récoltent et préparent elles-mêmes les moyens d’agir sur leur corps. Dans une nature colonisée et pillée par les botanistes européens (Kincaid, 2000 ; Schiebinger, 2004), ces avortements marquent la survie d’un matrimoine scientifique caribéen, fondé sur un savoir empirique des corps et des plantes.

En outre, les scènes d’avortements s’inscrivent dans le tableau que dresse Kincaid des maternités conflictuelles, en particulier lorsqu’elles sont envisagées par un personnage qui se croit ou se sait né de l’échec des avortements de sa mère. Dans Mr. Potter, la narratrice revient ainsi sur une confidence faite par sa mère qui lui avoua, quelques années plus tôt, avoir tenté de mettre un terme à sa grossesse pendant qu’elle l’attendait : « And when my mother tried to force her menstruation unnaturally for the fifth time, she failed and that failure was because of me, I could not be expelled from my mother’s womb at her own will » (p. 136). De la même manière, dans My Brother, Devon, qui semble avoir lu les passages de Lucy où la mère tente d’interrompre sa dernière grossesse, lui demande : « (“Ah me de trow’way pickney”) (Am I an unwanted child?) » (p. 174).

The Autobiography of My Mother est l’œuvre dans laquelle l’avortement occupe la place la plus grande, à la fois par la récurrence des scènes et discours s’y rapportant et du fait de l’importance de ces épisodes dans la construction du personnage principal. Quatre spécificités distinguent les avortements de Xuela de ceux évoqués dans Lucy, My Brother, Mr. Potter ou My Garden (Book): : pour la première fois, l’avortement n’est pas uniquement mentionné, envisagé ou imaginé, il est vécu et décrit à la première personne, s’inscrivant ainsi dans le réseau des expériences corporelles qui jalonnent le récit de Xuela et cimentent sa conscience subjective. Ensuite, le geste ne relève pas d’un choix ponctuel et circonstanciel, mais d’un refus global et systématique, rendu explicite par la narratrice qui déclare : « I had never had a mother, I had just recently refused to become one, and I knew then that this refusal would be complete » (p. 97). Xuela évoque ici une autre particularité du refus de maternité dans son récit : le lien entre cette décision et la mort de sa mère qui influence à la fois son rapport à la filiation et son accès aux savoirs abortifs, la privant du réseau matrilinéaire de transmission dont pouvait profiter Lucy. Enfin, les avortements sont intégrés à une œuvre intitulée The Autobiography of My Mother et mettent en question le fondement biographique du récit d’une mère caractérisée précisément par son refus de devenir mère. Tandis que, dans Annie John et Lucy, Kincaid remontait en arrière pour mettre en fiction ses années d’enfance, elle sonde ici les décennies qui précèdent sa naissance et remonte jusqu’au spectre à la fois obsédant et angoissant de l’avortement maternel.

C’est en nous fondant sur ces spécificités que nous aborderons le motif abortif dans The Autobiography of My Mother, envisagé comme le moyen de résister aux greffes que tentent de lui imposer Monsieur et Madame LaBatte, les premiers employeurs de Xuela, son père ou son amant Roland, qui tentent d’implanter dans sa matrice un fruit étranger qu’ils sont seuls voués à récolter. Xuela rejette la greffe, à la fois de manière consciente et volontaire, refusant de porter le fruit d’une hybridation non-consentie, et de manière instinctive, portée par la réaction intuitive d’un sujet que toute sa condition individuelle, collective et historique rend incapable de devenir mère. L’avortement est donc à la fois un symptôme et un perturbateur, un indice de la condition individuelle et historique de Xuela et, dans le même temps, un acte de « résistance gynécologique » (Beckles, 1989) contre l’aliénation d’un corps sur lequel Xuela fonde toute son identité. En ce sens, il permet de représenter à la fois un corps décolonisé, court-circuitant les logiques de son exploitation, et un corps sur-colonisé, témoignant de la permanence d’un schéma colonial antagoniste des valeurs et fonctions associées à la maternité.

Greffe de corps : fécondation, possession, colonisation ; La machine (re)productive : ventre-ressources

Dans la Dominique coloniale qu’habite Xuela, la maternité reste un objet politique sur lequel repose une partie de la survie de l’Empire. Colonisation et maternité se trouvent donc indéfectiblement liées dans leurs principes, leurs valeurs et leurs réalisations. Cette association s’ancre dans le contexte historique caribéen, prenant source dans le système plantationnaire où les ventres étaient exploités pour produire des esclaves et la reproduction subordonnée aux logiques d’accumulation du capital, ainsi que le décrit Hazel Carby dans le contexte états-unien : « Black women gave birth to property and, directly, to capital itself in the form of slaves » (1987, p.  24). La maternité blanche a aussi occupé les politiques et discours coloniaux, à la fois littéralement, lorsque les mères britanniques étaient encouragées à soutenir l’expansion de l’Empire en mettant au monde et en élevant ses futurs agents (Davin, 1978 ; Perry, 1991), et métaphoriquement, la métropole coloniale étant alors désignée comme la mère-patrie que doivent honorer ses enfants colonisés, à l’image de cette maxime inventée par l’institutrice Mrs. Hinds dans Crick Crack Monkey : « Not an eyelid must bat not a finger must twitch when we honour the Mother Country » (Hodge, 1970, p. 26).

La maternité est aussi une question coloniale pour Xuela, qui associe parenté et expansion coloniale comme deux expressions d’un même désir de pouvoir. Cette association s’annonce dans l’épisode des trois tortues dont Xuela tombe amoureuse pendant son enfance et qu’elle parque dans un endroit clos afin d’assurer leur subsistance tout en les rendant entièrement dépendantes ; elle les soigne et les nourrit jusqu’à ce que, vexée de les voir rentrer leur tête dans leur carapace, elle bouche le trou qui leur permettait de survivre, les oublie et les laisse mourir (pp. 11-12). Cette scène se déploie sur plusieurs niveaux de sens : elle est à la fois une miniature de l’existence de Xuela (Brancato, 2005), une représentation de l’amour maternel omnipotent et destructeur où la mère qui nourrit est aussi celle qui punit et une réplique de la conquête et de la colonisation. Dans cette dernière lecture, les tortues figurent les îles caribéennes victimes, elles aussi, d’un désir destructeur de posséder et de soumettre. Réapparaît ici la métaphore employée par Derek Walcott dans « The Star-Apple Kingdom » où il représente l’archipel comme un ensemble de tortues de tailles et d’espèces différentes : «  Islands that coupled as sadly as turtles / engendering islets, as the turtle of Cuba / mounting Jamaica engendered the Caymans, as, behind / the hammerhead turtle of Haiti-San Domingo / trailed the little turtles from Tortuga to Tobago » (Walcott, 1979, p. 104). C’est le même désir de maternité / colonisation qui conduit tour à tour Lise La Batte à vouloir épouser Monsieur LaBatte, à souhaiter devenir mère, à espérer trouver en sa jeune domestique une fille de substitution, et, finalement, à envisager de lui faire porter l’enfant qu’elle ne peut pas concevoir. Dans cette quête de possession, Lise cherche à la fois à greffer ces identités à la sienne, à exister grâce à l’époux ou l’enfant, et à se greffer sur eux dans une union organique indéfectible :

[Lise] wanted only to have [Monsieur LaBatte]; he would not be had, he would not be contained. To want what you will never have and to know too late that you will never have it is a life overwhelmed with sadness. She wanted a child, but her womb was like a sieve; it would not contain a child, it would not contain anything now (p. 76).

A la source du désir maternel de Lise se trouve une volonté de contenir (« contain ») l’autre dans un sens à la fois spatial et affectif, de le porter comme une mère et de le maîtriser comme un maître. Confrontée à sa stérilité biologique, Lise est forcée de transférer ce désir sur l’enfant que pourrait porter Xuela, plaçant ses espérances dans une grossesse qu’elle organise en silence jusqu’à ce que Xuela comprenne finalement la teneur de son projet secret : « She wanted something again from me, she wanted a child I might have » (p. 77). Jamais Xuela n’est vouée à devenir la mère de l’enfant à naître, aussi est-ce Lise qui lui révèle cette grossesse (« She said I was “with child” », p. 81), prenant soin de ne pas utiliser l’adjectif « enceinte » pour insister sur le seul rapport contenant/contenu qui lie Xuela et cet enfant qu’elle considère comme le sien. A la disparition du fœtus, c’est encore Lise seule qui porte le deuil : « She was in mourning. Her eyes were black and shiny with tears » (p. 94). Ainsi, lors de son premier avortement, Xuela refuse non pas de devenir mère mais de devenir une génitrice pour les LaBatte, une terre passive, à ensemencer et dont les fruits lui seraient enlevés pour satisfaire les désirs de possession d’une autre. En avortant de cet enfant-greffon, Xuela met en échec ce schéma colonial fondé sur l’externalisation de la (re)production et s’extrait de cette exploitation organisée de sa matrice.

« I refused to belong to a race, I refused to accept a nation»: Saboter les lignées

La première grossesse de Xuela ne s’inscrit pas uniquement dans le projet élaboré par Lise, elle répond aussi au dessein d’un père qui semble avoir lui-même offert le corps de sa fille au couple des LaBatte, organisant sa descendance selon ses propres plans et attentes. Aussi les avortements prennent-ils également sens à l’échelle familiale et permettent à Xuela de saboter une lignée paternelle dont elle se sait irrémédiablement exclue. Deux branches généalogiques distinctes émergent en effet dans The Autobiography of My Mother : d’une part, une branche masculine et euro-descendante, dans laquelle les fils héritent de leur père un nom, un destin et une apparence, de l’autre, une branche féminine, caribéenne ou afro-descendante, constituée d’aïeules sans prénom, sans histoire et sans visage. D’un côté, la dynastie des John et des Alfred, de l’autre la lignée décimée de aînées anonymes, à la fois du côté maternel, Xuela ne connaît ni sa mère ni la grand-mère qui a abandonné sa fille à la naissance, et du côté paternel, Mary, la grand-mère africaine, n’ayant laissé presque aucune trace dans la mémoire d’un fils qui ne dispose même pas d’une photo pour se remémorer son visage (« I do not know if his mother was beautiful; there was no picture of her and my father never spoke of her in that way », p. 182). Inconnus ou oubliés, les personnages féminins ne prennent pas place dans le réseau intergénérationnel de transmission qu’est la lignée, n’ayant aucun bien ni richesse dont pourraient hériter leurs fil-le-s sinon un legs de défaite et de dépossession : les traits caraïbes de Xuela (p. 15), le prénom inscrit sur la couverture qui enveloppait sa mère quand elle fut abandonnée (p. 80) ou la lampe qui éclaire son premier rapport sexuel avec Philip (p. 150).

Les personnages masculins, au contraire, transmettent à leurs enfants une partie de ce qu’ils sont, possèdent et projettent. Comme dans Mr. Potter les figures paternelles sont représentées comme des fécondateurs en série, essaimant derrière eux des fil-le-s illégitimes qui leur permettent, à la manière d’un colonisateur, de modeler le paysage à leur image et de laisser trace de leur passage. Ainsi John Richardson, l’ancêtre écossais de Xuela, survit dans les mémoires grâce aux enfants à cheveux roux qu’il sème derrière lui et qui peuplent les îles qu’il a habitées, semblables à des vestiges architecturaux d’une civilisation coloniale (p. 182). Même les personnages les plus dépossédés saisissent cette paternité en série comme le seul mode de conquête auquel ils sont susceptibles d’avoir accès, à l’image de Roland qui jauge sa réussite au nombre des amantes qu’il a rendues mères, substituant aux noms des pays conquis ceux des enfants conçus : « His life was reduced to a list of names that were not countries, and to the number of times he brought the monthly flow of blood to a halt » (p. 175). La paternité offre à ces personnages une forme d’immortalité, à la fois par la transmission de leur patrimoine matériel et par la reproduction de soi dans un fils transformé, comme le frère de Xuela, en un double malheureux du père : « [My father] had imagined himself as continuing to live on through the existence of someone else » (p. 110). Prenant exemple sur son propre géniteur, Alfred Richardson rêve d’établir sa petite dynastie familiale (« his own small dynasty of red-haired boys », p. 182) et de greffer sa descendance sur les corps de ses compagnes, dans un geste botanique que souligne Xuela lorsqu’elle présente les avortons comme des fruits dont elle serait la vigne : « I would bear [children] in abundance ; they would hang from me like fruit from a vine » (p. 97). Kincaid reprend ici l’image biblique du raisin, symbole de la reproduction humaine dans des textes où l’épouse est désignée « comme [la] vigne féconde dans l’intérieur de [la] maison » (Psaume, 128:3). Un peu plus loin, le « grape » devient « grapefruit » lorsqu’elle se rappelle sa visite dans les jardins de son père :

He told me that the grapefruit was natural to the West Indies, that sometime in the seventeenth century it had mutated from the Ugli fruit on the island of Jamaica. He said this in a way that made me think he wanted the grapefruit and himself to be One. (p. 102)

En introduisant Xuela chez les LaBatte, le père rêve de reproduire par l’hybridation cette mutation génétique dont il est à la fois le jardinier et le fruit, plantant, croisant et cultivant sa descendance jusqu’à faire germer des pamplemousses sur ses graines de tangelo. Par là, il cherche aussi à réactiver le schéma d’exploitation qu’il mit en place, enfant, avec la poule offerte par une voisine :

That chicken became a hen and laid eggs and those eggs were set and became chickens and those chickens laid eggs and so on, an endless cycle interrupted only by the sale of some eggs and some chickens, and with the farthings, halfpennies, and pennies that they brought in exchange and profit. He never ate eggs after that (not all the time I knew him); he never ate chickens after that (not all the time I knew him), only collecting the bright red copper of money and polishing it so that it shone and giving it to his mother, who placed it in an old sock and kept it in her bosom awake and asleep. (p. 194)

Les femelles sont, pour le père de Xuela, garantes de la production et de la conservation des biens masculins, qu’il s’agisse de la poule couvant ses œufs ou de la mère chargée de garder les pièces de son fils. Dans cet extrait, le rapport entre production et reproduction est renforcé par l’image des pièces de cuivre, équivalent pécuniaire des descendant-e-s aux cheveux cuivrés de John Richardson, et par la cyclicité d’une exploitation vouée à renaître et à se prolonger indéfiniment.

En interrompant ses grossesses et en aidant sa demi-sœur à avorter, Xuela met en échec les rêves dynastiques de son géniteur et proclame son refus d’être la vigne, l’arbre, ou la poule, de transmettre un héritage masculin de conquête et de dépossession. Dans le même temps, elle renoue avec l’héritage des vaincues, des mères caraïbes ou des descendantes d’esclaves, exclues d’une lignée qu’elles participent pourtant à prolonger. Ainsi, au terme de son premier avortement, et après avoir parcouru mentalement son île, elle peut déclarer : « I walked through my inheritance » (p. 89). Mettant en pratique sa devise « I am not a people, I am not a nation » (p. 216), Xuela s’autonomise de toute construction collective généalogique ou nationale, de toute contribution biologique à la “nation” ou à la “race” (Raiskin, 1996, p. 7). Comme une île en recherche d’autonomie, elle assouvit aussi sa pulsion auto-émancipatrice (Snodgrass, 2008), cette obsession autarcique qui la pousse à refuser la structure du foyer quelle que puisse y être sa place (fille, sœur, compagne ou mère), à rejeter toutes les potentielles mères de substitution et à préférer au couple le trio amoureux. Cette quête effrénée d’autonomie la pousse, enfin, à dicter sa loi à un corps qu’elle finit par maîtriser à la seule force de sa volonté, subordonnant son fonctionnement biologique à la règle qu’elle s’est elle-même choisie : « For years and years, each month my body would swell up slightly, mimicking the state of maternity, longing to conceive, mourning my heart’s and mind’s decision never to bring forth a child » (p. 226). L’avortement est ainsi un geste offensif dans une lutte qui l’oppose tour à tour aux LaBatte, à son père, à Roland ou à son propre corps.

Semences stériles : le destin abortif

Si l’on peut lire les avortements de Xuela comme des gestes de revendication et de résistance, il faut aussi se pencher sur le refus de la maternité dans une perspective historique et collective comme étant la trace d’une incapacité héritée à devenir mère. Dans The Daughter’s Return: African-American and Caribbean Women’s Fictions of History (2000), Caroline Rody se penche sur les rapports mère/fille conflictuels dans les littératures africaines-américaines et caribéennes et propose de les lire comme des métaphores du rapport problématique des héroïnes à l’Histoire (« mother-as-history »). Le refus de maternité signe l’entrée des héroïnes dans une « mauvaise » ou dans une « fausse histoire », il matérialise la présence obsédante d’un passé traumatique qui détruit dans l’œuf toute perspective de futur. Dans The Autobiography of My Mother, la systématisation de l’avortement, le rejet instinctif de la greffe révèlent aussi la condition d’une héroïne incapable de devenir mère, non pas sur le plan biologique mais sur le plan affectif.

Grossesse, pathologie, invasion : le parasite fœtal

La stérilité volontaire de Xuela fonctionne en miroir avec l’absence originelle de la mère, paramètre qui conditionne intégralement son rapport à la maternité biologique et affective. Cette maternité lui apparaît d’abord comme un événement anormal et inquiétant, un phénomène rendu étranger par le manque d’une interlocutrice féminine pour le lui expliquer. Jusqu’à sa première grossesse, Xuela parvient à comprendre seule le fonctionnement de son corps, affirmant par exemple, à l’arrivée de ses règles : « I knew immediately that its failure to appear regularly after a certain interval could only mean a great deal of trouble for me » (p. 57). Reliant instinctivement menstruation et maternité, Xuela occupe la fonction maternelle vacante et recrée un enseignement que dans Lucy il incombait à la mère de transmettre à sa fille : « And then she said that finding blood in my underpants might be something one day I would get down on my knees and pray for » (Kincaid, 1990, p. 69). Ce rapport de transparence entre Xuela et son corps se brise dès les premiers signes de sa grossesse : « One day I became very sick. I was with child but I did not know it. I had no experience with the symptoms of such a state and so did not immediately know what was happening to me » (p. 81). Née d’une mère morte pendant l’accouchement, Xuela envisage irrémédiablement la grossesse comme un événement pathologique, dangereux et mortel, une maladie féminine à laquelle n’a pas survécu sa propre génitrice. En se découvrant enceinte, elle ne pense ni aux LaBatte, ni à l’enfant qu’elle porte, seulement à l’intense et brutale angoisse de mort qui s’empare d’elle : « I believed that I would die, and perhaps because I no longer had a future I began to want one very much » (p. 82). Déjà, en découvrant le projet de Lise, Xuela s’était imaginée à la fois morte et enceinte, liant instinctivement ces deux expériences fondamentalement inconnues :

She wanted something again from me, she wanted a child I might have; I did not let her know that I heard that, and this vision she would have, of a child inside me, eventually in her arms, hung in the air like a ghost, something only the special could see. Not for every eye, it was for my eyes, but I would never see it, and it would go away and come back, this ghost of me with a child inside me. I turned my back to it; my ears grew deaf to it; my heart would not beat. (p. 77)

L’image du fantôme dit la dépossession d’un personnage que le projet de Lise exclurait de son propre corps, séparant le « je » de cette image spectrale de lui-même. Elle traduit en même temps l’angoisse de Xuela face à une grossesse qu’elle s’imagine lui être fatale. L’avortement est dès lors dicté par un réflexe de survie, il constitue d’abord un geste thérapeutique voué à provoquer l’expulsion nécessaire et vitale d’un amas de cellules pathologiques.

Xuela avorte pour ne pas connaître le même destin que sa mère morte pendant l’accouchement. Parallèlement, ses avortements la mettent plus que jamais en contact avec cette génitrice inconnue, avec les douleurs de l’enfantement et avec le sang utérin qui la ramène à la scène de sa propre naissance :

I was wet between my legs; I could smell the wetness; it was blood, fresh and old. The fresh blood smelled like a newly dug-up mineral that had not yet been refined and turned into something worldly, something to which a value could be assigned. The old blood gave off a sweet rotten stink, and this I loved and would breathe in deeply when it came to dominate the other smells in the room; perhaps I only loved it because it was mine. (p. 91)

Avec son odeur de pierre, le sang neuf incarne à la fois l’origine, la matière brute et atemporelle, et la naissance d’un objet tout juste extrait du sol-matrice. Mais par son odeur de pourriture et de dégradation, il évoque aussi la mort, le temps passé et le corps maternel morbide. Dans ces deux sangs, Xuela se lie avec le corps parental retrouvé, enivrée par son parfum comme l’est la jeune Annie John lorsqu’elle colle son nez contre la peau de sa mère afin de prolonger olfactivement l’indistinction originelle de leurs deux corps (p. 22). Les avortements ne sont pas uniquement une expérience de la rupture, ils mettent Xuela au contact de sa mère, de ses aïeul-e-s, et, plus généralement, d’une communauté des vaincus partageant avec les avortons une existence incomplète et anonyme. En les vouant à une souffrance éternelle, à une non-existence dans un monde sans amour, Xuela introduit les avortons dans l’espace qu’elle habite et en fait les membres de la lignée des déshérités qu’ils n’auraient que partiellement habitée s’ils étaient venus au monde. De la même manière que son frère ne le devient qu’au moment de sa mort (« In death he became my brother », p. 110), et sa sœur qu’après son avortement (p. 114), les avortons de Xuela ne peuvent être ses enfants qu’à condition de toujours appartenir, comme elle, au clan des vaincus et de partager son existence de souffrance et de désespoir. La seule parenté que peut reconnaître Xuela est celle de la défaite, de la dépossession et de l’anonymat.

L’impossible maternité affective

Dès ses premières règles, Xuela sait qu’elle n’aura jamais la capacité émotionnelle de devenir mère : « Perhaps I knew then that the child in me would never be stilled enough to allow me to have a child on my own » (p. 57). Enceinte, elle doit composer avec deux enfants en elle : celui qu’elle a intériorisé faute de l’avoir jamais incarné et celui qui s’est logé dans sa matrice, deux présences concurrentes qui s’excluent mutuellement. L’enfant à naître met en péril la stratégie de survie narcissique élaborée par Xuela, qui s’abîme dans l’amour-propre et l’observation autarcique de soi pour pallier l’absence d’amour maternel : « No one observed and beheld me, I observed and beheld myself; the invisible current went out and it came back to me » (p. 56). Au sein de ce couple parental reconstitué où Xuela est à la fois la mère et l’enfant, l’observante et l’observée, le fœtus apparaît comme un perturbateur et un concurrent, une présence indésirable qu’elle élimine pour ne pas avoir à transformer son amour propre en amour maternel. Cette rivalité jalouse s’exprime dans la pulsion violente dirigée contre des avortons qu’elle s’imagine dévorer, fracturant leur squelette et ornant leur cadavre de plaies purulentes dans une longue tirade susceptible d’être lue comme l’expression de la haine jalouse d’un enfant face aux rivaux qu’il tente d’éliminer et sur qui il exerce sa toute-puissance divine et meurtrière (pp. 96-98). La cruauté de la narratrice peut aussi être mise en rapport avec le sentiment de jalousie exprimé par d’autres personnages de Kincaid à la naissance de leurs jeunes frères (Kincaid 1990, p. 129).

Acte de destruction et d’extermination, l’avortement de Xuela constitue aussi une forme d’auto-génération et d’accouchement de soi, une expérience sanglante et si douloureuse qu’elle la considère comme une définition même de la douleur (« it was as if it defined pain itself », p. 82), utilisant là une expression qui réapparaît, dans Mr. Potter pour décrire la naissance du père de la narratrice («… a definition of pain itself… », p. 66). Xuela accouche d’elle-même en expulsant le fœtus indésirable, déclarant au terme de ces quatre jours de souffrance être devenue une nouvelle personne (« I was a new person then . . . I had carried my own life in my own hands », p. 83) avant de revenir au monde sous les traits d’un ermite à la fois femme et homme, doté d’une apparence et d’une identité nouvelle. L’avortement lui permet donc de survivre et de renaître, de ne pas se laisser vaincre par un enfant qui l’expose à la disparition, à la fois sur le plan physique et sur le plan affectif. Préférant l’auto-génération à la maternité, Xuela refuse de détruire la scène narcissique sur laquelle elle est à la fois la mère et l’enfant et exhibe sa propre incapacité à devenir mère sans avoir connu la sienne et à alimenter un désir maternel qui lui est entièrement étranger.

Cette incapacité est également le reflet d’une constitution collective modelée par l’Histoire et incompatible avec les valeurs de la filiation, de la famille, voire de la communauté. Xuela envisage l’amour comme un sentiment inconnu, étranger aux vaincus qui sont dépossédés de tout : « all that is unreal, all that is not human, all that is without love, all that is without mercy » (p. 37). Partant, aucune forme d’amour ou d’affection ne peut s’établir entre mère (biologique ou de substitution) et enfant, ainsi que l’observe Xuela chez Ma Eunice :

Ma Eunice was not unkind: she treated me just the way she treated her own children–but this is not to say she was kind to her own children. In a place like this, brutality is the only real inheritance and cruelty is sometimes the only thing freely given. (p. 5)

A cause de sa condition sociale et historique, Ma Eunice ne peut devenir la mère tendre, douce et aimante qui fonde l’idéal de la maternité blanche mythifiée et essentialisée, (Greenfield & Barash, 1999 ; Welter, 1966), elle se trouve contrainte à incarner la « mauvaise mère » brutale, cruelle et maltraitante. Représentant l’amour maternel comme un privilège dont l’Histoire a privé les vaincus, Kincaid met en scène le lien indéfectible entre les conceptions de la maternité et les logiques de race, de classe et de genre qui les informent et les modifient (Collins, 1994). Aucune des relations mère/enfant dépeintes dans The Autobiography of My Mother ne semble ainsi plus enviable que la condition d’orpheline de Xuela, les mères étant toujours des inconnues pour leurs fils et des ennemies pour leurs filles. Haïssant naturellement ce qui leur ressemble, rejetant la fonction mimétique essentielle à tout système familial (Spartacus, 2014), elles repoussent l’image dupliquée d’elles-mêmes que leur présente leur fille, à l’image de l’épouse du père de Xuela qui « préférait son fils parce qu’il n’était pas comme elle » :

That she did not think very much of the person who was most like her, a daughter, a female, was so normal that it would have been noticed only if it had been otherwise: to people like us, despising anything that was most like ourselves was almost a law of nature. (p. 52)

Pour des mères éduquées à détester tout ce qui constitue leur identité, les filles ne sont que des doubles repoussants et naturellement haïssables, trop ressemblants pour qu’elles ne les méprisent pas. Ce legs de brutalité et de haine de soi contribue aussi au refus de maternité formulé par Xuela, dont les avortements ne sont pas en ce sens antithétiques de la maternité puisqu’ils reproduisent et accentuent la pulsion de violence observée chez Ma Eunice ou l’épouse de son père. En brisant ces futurs enfants qu’elle se sait incapable d’aimer, Xuela réalise un geste paradoxalement maternel et exhibe le mode de maternité propre aux vaincu-e-s et aux dépossédé-e-s. Cette maternité monstrueuse réapparaît d’ailleurs dans les angoisses infantiles d’autres jeunes narratrices de Kincaid qui décrivent leur mère comme une figure ambivalente et dangereuse. Ainsi, la mère anthropophage incarnée par Xuela (« I would eat them at night, swallowing them whole, all at once », p. 97) rappelle les craintes de Lucy qui, évoquant la grossesse de sa mère, parle de l’époque où elle était dans son « estomac » (« This woman he had children with tried to kill me when I was in my mother’s stomach », p. 80) et substitue l’organe de la gestation à celui de la dévoration. Le refus de maternité est, pour Xuela, un symptôme de sa réalité individuelle et historique ainsi qu’un révélateur de la stérilité affective de sujets sans amour, sans histoire, sans lignée.

Auto-générations : stériliser la mère, accoucher (de) la génitrice

Dans Caribbean Genesis: Jamaica Kincaid and the Writing of New Worlds (2009), Jana Evans Braziel revient sur le conflit central, dans The Autobiography of My Mother, entre l’aspect biographique de l’œuvre, indiqué par le titre et l’image de couverture, et le fait qu’elle soit désignée comme un « roman ». Ce paradoxe est alimenté par les scènes d’avortement qui semblent fermer la possibilité d’une lecture biographique pourtant encouragée par le retour de scènes reprises d’autres récits et qui invitent à lire en Xuela une version légèrement modifiée de la mère d’Annie ou de Lucy, voire une version fictive de la véritable mère de Kincaid. Ainsi, dans Mr. Potter, la narratrice créé une miniature du récit de Xuela lorsqu’elle retrace brièvement l’histoire de sa mère, tandis que l’épisode du caillou lancé au visage par un singe rappelle un souvenir d’enfance vécu et raconté par la mère de Lucy. Kincaid semble ainsi livrer, avec The Autobiography of My Mother, une fiction partiellement biographique construite à partir des récits de sa mère. Elle brise pourtant ce rapport d’identification en faisant de Xuela un personnage sans descendance, détruisant le lien de filiation qui pourrait la rattacher à ce « je » dont elle ne deviendra jamais la fille. Ce nœud de contradiction permet à Kincaid de redéfinir le rapport de son œuvre avec le réel et le factuel, ainsi qu’elle l’expose à Dwight Garner en 1996 :

It was a deliberate choice. It is somewhat explained in the book — that the main character is a fertile woman who decides not to be. And that is drawn from an observation I’ve made about my own mother: That all her children are quite happy to have been born, but all of us are quite sure she should never have been a mother. I feel comfortable saying that publicly, I think. I try not to corner my mother anymore. Because I have at my disposal a way of articulating things about her that she can’t respond to. But I feel comfortable saying that the core of the book — and the book is not autobiographical except in this one way — derives from the observation that my own mother should not have had children. (p. 5)

Le seul élément biographique admis par Kincaid est le rapport problématique de son héroïne à la maternité. Dans une tentative d’avortement réussie, contre-point positif à l’échec enregistré plus tard dans Mr. Potter, corrigeant les choix de sa génitrice en l’empêchant de devenir mère, Kincaid réécrit son histoire familiale en s’effaçant du tableau. Par ce jeu de greffe sur le réel d’éléments antinomiques du réel, Kincaid construit une autobiographie du non-réalisé, le récit d’une vie semi-fictive fondée sur ce qui aurait dû être autant que sur ce qui a été, actualisant ce qui, jusque-là, était resté latent. Elle ancre ainsi son œuvre dans un espace intermédiaire entre le réel et le fictif, lieu de reprise et de transformation qui caractérise pour elle la fiction : « The process of fiction, for me, is using reality and then reinventing reality, which is the most successful way to do what I do » (Vorda, p. 92).

Le refus de maternité de Xuela fonctionne aussi comme un révélateur du lien entre fiction et filiation, entre mise en récit et mise au monde. Par cette œuvre qui se signale comme autobiographique, Kincaid donne naissance à une mère qu’elle rebaptise et dont elle change la destinée, faisant d’elle un personnage partiellement autonome de son modèle non-fictif. Inversant les rôles entre celle qui créé et celle qui est créée, elle s’affirme comme la génitrice littéraire de cette mère devenue Xuela, ainsi que l’indique l’apparition par étape de sa photographie, dévoilée de la tête aux hanches au fil du récit, comme le corps d’un nourrisson naissant de la matrice littéraire créée par Kincaid. Cette inversion du rapport parent/enfant réapparait de manière plus explicite dans Mr. Potter où l’illettrisme du père de la narratrice donne à la fille un ascendant quasi maternel sur son géniteur :

I still managed to acquire the ability to read and the ability to write and in this way I make Mr. Potter and in this way I unmake Mr. Potter, and apart from the fact that he is now dead, he is unable to affect the portrait of him I am rendering here, the scenes on the bolt of cloth as he appears in them: the central figure. (p. 158)

Pouvoir écrire le père, c’est pouvoir le créer, inverser le rapport de filiation et tenir dans sa main celui qui, de son vivant, refusa d’occuper la fonction parentale. Puisqu’il n’est jamais devenu un père pour sa fille, il devient pour elle un enfant, une créature littéraire qu’il sera incapable de corriger ou de contester. Les récits familiaux de Kincaid et ses intrusions dans le champ biographique indiquent ainsi sa manière de créer un espace concurrent au réel, dans lequel elle bouleverse le rapport hiérarchique parent/enfant. La représentation de l’avortement nous indique ainsi comment Jamaica Kincaid, s’emparant d’un motif-clé des discours et luttes féministes, en fait un objet à la fois intime, politique et littéraire. Plus qu’un sujet de revendication, l’avortement sert à la construction de son personnage principal, à la révélation des mécanismes de pouvoir en jeu dans son récit et à la mise en lumière de son mode d’écriture et de fictionnalisation du réel. Si ces récits peuvent être qualifiés de féministes, c’est seulement de manière indirecte et non-revendicative, comme le témoignage d’une condition, d’une intimité et d’une pensée féminine individuelle, ainsi qu’elle le déclare lors d’un entretien en 1990 : « I wrote that way because that was the way I could write, so it does not feel to me that this is the way women write » (Cudjoe, p. 222).


REFERENCES

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